Ce Webinar a réuni Anne-Hélène LE TROCQUER (Aramis), Didier LOMBARD (Quantalys) et Mathilde DES COURTIS (SeaBird). Le débat était animé par Nicolas BRISSON (consultant chez SeaBird). 

Présentation des intervenants 

Digitalisation du parcours client : quelles caractéristiques ?

Une forte tendance de marché accentuée par la crise de la Covid incite à une digitalisation du parcours client

Dans un environnement économique compétitif marqué par la crise sanitaire, la digitalisation du parcours client est devenue incontournable. Elle est l’alliée d’une stratégie de développement épargne et constitue ainsi la clef de voute du placement en Unités de Compte.  

Une étude de l’ISG (Information Services Group) menée en 2020 dans 6 pays européens montre en effet que la majorité des assureurs européens (86%) s’attendent à ce que le comportement des clients change de manière permanente à la suite de la crise de la Covid-19, et que la crise actuelle pousse de nombreux clients à remettre en cause leurs relations commerciales établies de longue date avec leurs assureurs. «La crise sanitaire semble donc acter un point de non-retour en ce qui concerne l’orientation des modes de consommation vers le digital», constate Anne-Hélène Le Trocquer.  

Cette digitalisation fait intervenir tous les acteurs de la chaîne de valeur

Par conséquent, la demande concernant plusieurs sujets sur la digitalisation augmente ces dernières années, et ce de manière durable. Didier Lombard explique que cette digitalisation passe par des processus faisant intervenir plusieurs acteurs : sociétés de gestion, clients, assureuret distributeurs. Elle doit donc prendre en compte leurs écosystèmes SI, de la proposition de l’offre à la souscription client. 

C’est pourquoi les technologies déployées doivent s’interfacer. Par exemple, le parcours client peut être initié par le courtier ou le conseiller financier, alimenté par des données financières fournies par un providerpuis ensuite intégré par l’assureur. Le parcours digital va par conséquent casser les silos entre les différents acteurs.  

Digitalisation du parcours client : quelles les conséquences pour les assureurs ? 

Le périmètre des assureurs s’élargit 

Une disruption de chaîne de valeur s’opère : les périmètres fonctionnels de l’assureur, du gestionnaire d’actifs ou du distributeur se perméabilisent. L’élargissement du périmètre de l’assureur le rend responsable de l’ensemble de l’offre qu’il propose et le fait intervenir sur l’ensemble de la chaîne de valeur. «Cela l’incite à développer davantage ses capacités d’ingénierie financière, à cibler les clients en amont, et à proposer des solutions de conseil pertinentes sur l’ensemble de son offre et tout au long du parcours. Le besoin de reporting complexifie davantage encore le rôle de l’assureur qui doit être en capacité de donner les informations nécessaires aux clients et à ses équipes de pilotage en interne », en conclut Mathilde des Courtis. 

Les assureurs doivent faire face à une concurrence accrue 

La nouvelle répartition des rôles sur ces chaînes de valeurs due à la digitalisation du parcours client met en exergue un risque concurrentiel dû à une porosité accrue des périmètres de chaque acteur. «La concurrence est d’autant plus forte concernant les solutions d’épargne sur des Unités de Compte, car ces dernières se situent au carrefour des produits financiers et de l’assurance vie», souligne Anne-Hélène Le Trocquer. La digitalisation client induit aussi un risque de commoditisation de l’assurance : l’assureur court le risque d’être réduit au rôle de simple distributeur de produits d’épargne. 

Le volume des données à capter et à stocker augmente 

La digitalisation du parcours client requiert la captation et le stockage des données clients, conformément aux réglementations telles DDA (Directive sur la distribution d’assurances) ou PRIIPs (Packaged Retail Investment and Insurance-based Products). Cela doit s’effectuer sur un périmètre qui s’étend, car les outils se perfectionnent et les plateformes s’uniformisent autour de la gestion de l’ensemble des capacités d’épargne des clients. Mathilde des Courtis attire lattention sur le fait que la capacité des assureurs (liée notamment à leur architecture SI) à contrôler l’ensemble de ces données n’est pas certaine à ce stade. 

Digitalisation du parcours client : quelles problématiques ? 

Une protection accrue des données clients 

Les nouvelles technologies utilisées dans le cadre de la digitalisation du parcours client doivent être conçues de manière à offrir un haut niveau de protection des données, conformément au principe du Privacy By Design issu du RGPD (Règlement général sur la protection des données)Pour Anne-Hélène Le Trocquer, cela implique de la part des acteurs de mettre en place une démarche de conformité en amont du processus de collecte ou de production des données, et dadopter des mesures organisationnelles et techniques appropriées afin de limiter la collecte de données au strict besoin du traitement. 

Un devoir de conseil des assureurs renforcé 

«Le devoir de conseil en matière d’assurance-vie et spécifiquement en ce qui concerne les UC est renforcé depuis quelques années par la jurisprudence en matière de commercialisation d’UC», analyse Anne-Hélène Le Trocquer. Si les contrats composés d’UC ne sont d’ordinaire pas qualifiés de spéculatifs — et ce indépendamment de la volatilité des sous-jacents composant ces UC — plusieurs arrêts récents ont qualifié certains de ces contrats de spéculatifs, avec comme conséquence que les assureurs et les courtiers sont désormais tenus à une obligation de mise en garde.  

Un marché fragmenté par la digitalisation du parcours client

La digitalisation marque la fin des tendances oligopolistiques concernant les offres de produits assurantiels. Les nouvelles technologies telles que la blockchain et l’IA (Intelligence Artificielle) fragmentent le marché car elles permettent une plus grande personnalisation de l’offre via une gamme de produits et de services élargie. Ainsi, elles affectent directement le business model des acteurs dans un temps très court (de 18 à 24 mois environ). Les acteurs du marché sont donc tenus de faire des investissements par des opérations de croissance externe ou de conclure des alliances stratégiques pour pouvoir, eux aussi, proposer une offre plus riche. Par conséquent, daprès Anne-Hélène le Trocquer«l’évolution de l’assurance reposera sur la fragmentation des produits et services, les objets connectés, et le partage des données personnelles des assurés». 

Digitalisation du parcours client : quelles opportunités ? 

Une expérience client augmentée 

Le digital peut permettre un selfcare client intégral dans le cas de certains pure players, mais le plus souvent coexiste auprès d’autres canaux. «Des clients ont en effet toujours besoin de conseils en face à face et de confiance en leurs intermédiaires», soutient Didier Lombard. Dès lors, il s’agit de mettre en place une stratégie autour du « phygital », mélange de canaux physiques et digitaux qui se complètent.  

La digitalisation du parcours aide également à une réduction considérable du nombre d’étapes en apportant une simplification des processus et des workflowset en permettant entre autres une remontée de données automatique.  

Une prospection et une rétention des clients améliorées 

La digitalisation du parcours client accroît la capacité à convertir les prospects en clients réelsaugmente le taux de rétention et permet un gain de temps significatif (étapes simplifiées lors de l’adhésion ou encore baisse des coûts de gestion des contrats). 

Didier Lombard rappelle ainsi quun parcours client digital « doit être fluide, logique et éviter les goulets d’étranglement» pour être réussi«Il s’agit de minimiser les étapes créant des blocages et de faciliter la reprise de la souscription si celle-ci est interrompue. Pour concevoir un parcours client réussi, il faut donc penser en amont à ce qui en est attendu ainsi qu’aux différents cas de figure que l’on veut qu’il traite.»  

Comment mettre en œuvre la digitalisation du parcours client  ? 

La digitalisation du parcours client doit intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur 

Mathilde des Courtis souligne que « l’enjeu est de comprendre et de faire comprendre que la digitalisation ne passe pas simplement par la mise en place d’outils, mais par le fait de penser le schéma directeur de l’outil dans son ensemble et de le relier aux acteurs intermédiaires qui font partie du processus parcours client.» Cela nécessite d’appréhender la chaîne de valeur dans son ensemble pour concevoir au mieux son schéma directeur et éviter les déperditions d’information. 

Ainsi, Mathilde des Courtis explique que la digitalisation du parcours client doit s’orienter autour de trois axes. 

  • La vision de pilotage au niveau de la conception de l’offre (à destination des équipes en charge de l’innovation produit et de l’ingénierie financière) afin que celle-ci soit bien calibrée et référencée. 
  • La mise à disposition d’outils au conseiller pour qu’il puisse appréhender l’offre, la modéliser, la présenter au clientla modifier si cela est nécessaireet la suivre. 
  • La mise en place du selfcare client, qui doit coexister avec les deux premiers axes afin que le client puisse naviguer dans un tissu règlementaire complexe et riche en informations. 

Les fintechs sont en avance sur la digitalisation du parcours client 

Les fintechs sont plus agiles, plus performantes et mieux adaptées aux besoins de leurs clients que les acteurs traditionnels, étant davantage tournées vers l’usage plutôt que le produit. En parallèle des conseillers bancaires, les fintechs proposent des interfaces virtuelles dont l’ergonomie et la praticité sont d’indéniables points forts.  

Au contraire des institutions bancaires qui s’ancrent dans une logique transverseles fintechs sont spécialistes de leurs métiers respectifs. «Enclines à la collaboration, elles évoluent dans des sphères souvent complémentaires et connaissent parfaitement leur produit : elles sont par conséquent en mesure de proposer un parcours client beaucoup plus approfondi et pédagogique»observe Anne-Hélène Le Trocquer.  

La collaboration avec les fintechs constitue donc un levier important pour sa mise en œuvre

Il n’est pas possible pour les assureurs d’impulser 100% de l’innovation, car celle-ci doit pouvoir être mise sur le marché très rapidement. Les assureurs doivent par ailleurs porter un regard à 360 degrés sur leur activité pour comprendre non seulement les impacts des nouvelles technologies sur leur propre business modelmais aussi les solutions proposées par les nouveaux entrants ainsi que les nouveaux usages.  

Pour Anne-Hélène Le Trocquer, la croissance externe, mais aussi les partenariats stratégiques (joint-venture ou partenariats commerciaux) avec des sociétés innovantes sont deux voies très largement utilisées par les assureurs aujourd’hui non seulement pour « s’acculturer » mais aussi acquérir le savoir-faire technologique nécessaire afin de répondre aux attentes des clients. 

 

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