Dans sa dernière étude en date du 13 juillet 2022 et basée sur le reporting prudentiel annuel à fin 2021 des organismes soumis à la directive Solvabilité 2, l’ACPR dresse un bilan de la situation des assureurs français. Que faut-il retenir comme principaux constats ?

Un desserrement de la contrainte de solvabilité des assureurs

L’activité d’assurance a connu dans l’ensemble une belle année, couronnée d’une hausse des primes et de la sinistralité tant en assurance vie qu’en assurance non-vie. En assurance-vie en particulier, la collecte s’est inscrite en forte hausse grâce notamment aux supports en unités de compte et aux opérations de rachat. En assurance non-vie, les ratios combinés ont baissé malgré une hausse sur l’activité santé.

Les placements, tous organismes confondus, sont en légère hausse à fin 2021, de même que la structure de leurs actifs après mise en transparence. En 2021, un peu plus de 60% des placements sont investis en obligations souveraines, financières et actions contre 65% en 2020. Bien que ces placements ne soient pas spécialement exposés aux titres russes, leur valorisation a souffert de la remontée des taux d’intérêt et du marché actions.

Les effets conjugués de l’activité et de la hausse de taux conduisent à une augmentation moyenne du ratio de solvabilité de 11 points, pour atteindre 253% à fin 2021. Cet accroissement du taux de couverture en environnement Solvabilité 2 s’explique principalement par la sensibilité des assureurs vie au contexte des taux haussiers.

Taux de couverture du capital de solvabilité requis par type d’organismes (source : ACPR)

Notes :

  • Les montants de fin d’année sont calculés sur les données annuelles de la population trimestrielle
  • Taux de couverture calculé en tenant compte de la correction pour volatilité et de la mesure transitoire sur les provisions techniques.

Source ACPR

Solvabilité : quelle évolution entre remontée des taux et reprise de l’inflation ?

Depuis le premier trimestre 2022, les taux d’intérêt poursuivent leur remontée après des années de baisse et de maintien à des niveaux négatifs, en particulier sur les maturités courtes.

Toutefois, en parallèle de la remontée de taux d’intérêt, le taux d’inflation n’a cessé de progresser ces derniers mois. Il atteint désormais des niveaux jamais observés ces dernières années, en raison notamment de la pandémie COVID-19 et de la guerre en Ukraine. Eu égard au contexte économique sans précédent depuis au moins une dizaine d’années, il est pertinent de s’interroger sur l’impact de ces paramètres sur la solvabilité des assureurs, voire sur leur gestion des risques.

Toutes choses égales par ailleurs, cette hausse des taux d’intérêt va sans nul doute conduire toutes les catégories d’assureurs à une amélioration de leur solvabilité grâce à :

  • une baisse de la valeur de leurs passifs d’assurance sensibles aux taux ;
  • une amélioration du rendement et de la qualité de leur portefeuille obligataire.

Des impacts différenciés sur la solvabilité selon les profils des assureurs

Les impacts sur la solvabilité ne devraient pas toutefois être du même ordre de grandeur selon qu’il s’agit d’assureurs vie ou d’assureurs non-vie, constat effectué par l’ACPR sur ce premier trimestre.

Le 21 juillet, la BCE a annoncé un relèvement de ses taux directeurs de 0,5%. Compte tenu de l’évolution de l’inflation, d’autres relèvements pourraient intervenir d’ici à la fin de l’année.

Le contexte conduit à interpeller les décideurs : l’EIOPA, les autorités de supervision locales, les assureurs et les acteurs de la gestion des risques sur les questions mentionnées ci-après, qu’il serait pertinent de se poser.

Pour les organes de supervision :

  • Les modifications en cours de validation de la directive Solvabilité 2 intègrent-elles suffisamment les dernières évolutions de l’environnement économique ?
  • Quels devenirs pour les cadres réglementaires spécifiques aux organismes gérant des engagements long terme (transitoires provisions techniques, cadre FRPS…) ?

Pour tous les assureurs (vie et non vie) :

  • Quel sera le rythme de remontée des taux d’intérêt ? Ce rythme sera-t-il comparable à celui de l’inflation ? En cas de décalage, quels seraient les risques à anticiper ?
  • Les primes d’assurance doivent-elles être revues pour intégrer la hausse des coûts des sinistres liée à l’inflation ?
  • Les revalorisations des prestations de retraite, de rentes pourront-elles être équivalentes à l’inflation, sachant que les assureurs ne disposent pas en portefeuille d’actifs leur permettant des rendements à des niveaux similaires ?
  • Quels seraient les risques sous-jacents qui découleraient des difficultés de revalorisation des prestations ?
  • Les allocations d’actifs nécessitent-elles une modification ?

Et spécifiquement pour les assureurs vie :

  • De nouvelles typologies de fonds en euros peuvent-elles voir le jour ?
  • Dans quelle mesure le rendement des fonds euros se verrait-il impacter par la hausse des taux ?
  • Quels ajustements faut-il prévoir sur la politique de participation aux bénéfices des fonds en euros ?
  • Quel serait le comportement des assurés notamment en termes de rachat sur les contrats d’assurance vie ?

Les arbitrages qui découleront des réponses à ces questions, non exhaustives, pourraient limiter les gains de solvabilité induits par la hausse des taux. L’actualité des prochains mois restera à suivre avec attention pour anticiper s’il y a lieu la mise en œuvre d’éventuelles « management actions ».