Une inflation des cotisations santé de 10% en 2024

Une enquête de la Mutualité française parue en décembre 2023 prévoyait une hausse de 8,1 % des cotisations en 2024 par les mutuelles. La prévision atteignait 7,3% pour les contrats individuels, 9,9% pour les contrats complémentaires obligatoires et 7,7% pour les contrats collectifs facultatifs.

A fin janvier 2024, l’UFC Que-choisir constate finalement une augmentation d’au moins 10% des cotisations après celle de 7,1% observée en 2023. L’écart entre la prévision et l’observation s’explique, selon l’association, par le fait que l’évolution de l’âge des populations assurées n’a pas été prise en compte. En effet, le tarif des assurances santé augmente avec l’âge, et la Mutualité aurait fait dans ses estimations l’hypothèse d’un « âge fixe ». Enfin, l’association constate une hausse des tarifs disparate puisque les retraités ont subi des augmentations bien supérieures à la moyenne (de l’ordre de 25% à 30%).

Quelle sont les causes principales de ces augmentations ?

Selon Frédéric Bizard, économiste de la santé, « la forte hausse des cotisations des complémentaires santé prévue cette année est le symptôme de la mauvaise répartition des rôles entre assureurs publics et privés ». Au-delà de la dérive de consommation, le transfert des coûts santé entre Sécurité Sociale et organismes assureurs constitue une raison majeure de l’inflation des primes. Les assureurs justifient les augmentations tarifaires notamment par une hausse de leurs dépenses santé. Une hausse de 1,2 milliard d’euros, portée en majorité par le poste dentaire. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance :

  • Un désengagement de la Sécurité Sociale qui s’opère par une baisse du taux de remboursement des soins dentaires (de 70% à 60%) depuis le 15 octobre 2023. D’autres actes moins significatifs sur les dépenses totales, comme le déplacement en ambulance, sont également concernés par ce transfert de coûts. Pour les organismes de complémentaires santé, cette nouvelle répartition induit un surcoût de 400 millions d’euros en 2023 et 500 millions en 2024.
  • La revalorisation de la consultation des médecins généralistes et spécialistes de 1,50€, mise en place le 1er novembre 2023.
  • Une population vieillissante, avec un impact mécanique sur les coûts de santé et sur les tarifs des assurances santé. La part de personnes âgées de plus de 50 ans dans la population française est passée de 36,2% en 2010 à 40,5% en 2023.
  • L’augmentation des coûts de santé, liée à la hausse des prix des matières premières, telles que les médicaments et l’optique, mais aussi aux avancées technologiques, à l’émergence de traitements plus coûteux et à la demande croissante de soins.
  • Les changements des habitudes de consommation, avec par exemple le développement des médecines douces (psychologie, ostéopathie, sophrologie…) et des mesures préventives, qui induisent une augmentation de la demande de ces soins, justifiant une hausse des tarifs.

Cotisations santé : la hausse va-t-elle se poursuivre en 2024 ?

Plusieurs facteurs de progression persistent (vieillissement de la population, hausse de la demande de soin, nouveaux traitements…). De plus, après la hausse de 25 à 26,50 euros du tarif de remboursement des consultations généralistes et spécialistes, une nouvelle revalorisation – à 30 euros cette fois – est en cours de discussion. Si l’Assurance maladie s’est prononcée en février en faveur de cette augmentation, elle ne devrait être effective que le 1er janvier 2025 au plus tôt.

Néanmoins, difficile pour les assureurs santé d’augmenter sans fin les tarifs. Afin de compenser la hausse attendue des dépenses, les assureurs devront ainsi faire preuve d’efficacité dans leur gestion et d’innovation. Parmi les leviers à actionner :

  • maîtriser les coûts médicaux en négociant des tarifs préférentiels avec les prestataires de soins de santé et en encourageant l’utilisation de réseaux de fournisseurs de soins de santé agréés. Il est également possible de mettre en œuvre des programmes de gestion des maladies chroniques pour réduire les hospitalisations évitables et les coûts associés.
  • promouvoir la santé et le bien-être en encourageant les assurés à adopter des comportements sains : conseils en matière de nutrition ou de gestion du stress, ou encore incitation à participer à des programmes de remise en forme.
  • innover sur les produits: télémédecine ou assurances à la demande par exemple. Ces innovations peuvent à la fois améliorer l’expérience des assurés et contribuer à maîtriser les coûts.

En conclusion, la hausse des cotisations santé par les assureurs en 2024 soulève des inquiétudes quant au transfert croissant des coûts de santé entre la sécurité sociale et les organismes assureurs privés. D’autre part, l’évolution des besoins de consommation des assurés questionne les offres des assureurs, et leur rentabilité. Une réflexion approfondie sur les mécanismes de financement de la santé paraît plus que jamais nécessaire, afin de garantir une prise en charge équitable et pérenne de l’ensemble de la population et la prise en compte des besoins de santé émergents dans les garanties proposées et les modèles de tarification.