Risques de durabilité : comment s’adapter ? 

Comme en a témoigné notre événement de juillet sur le thème « Risques de durabilité : s’adapter dès maintenant », le risque de durabilité s’intègre peu à peu à la gestion des risques mais aussi aux politiques d’investissement des assureurs. Parmi les points clés abordés lors de cette rencontre : 

  • L’utilisation de l’ORSA comme outil sur le moyen/long terme pour intégrer la durabilité dans le management des risques ainsi que l’intégration de scénarios court-terme dans le second exercice de résistance climatique qui venait d’être lancé au moment de l’événement. 
  • L’intégration de la durabilité dans les politiques d’investissement, les organismes de contrôle montrant une volonté politique en faveur d’investissements durables, avec des mesures de sanction pour les investissements non verts. 
  • Le durcissement des conditions de marché, le secteur ayant récemment connu une augmentation des sinistres liés aux événements climatiques, qui a entrainé une réévaluation des prix et des franchises. Les marchés de la réassurance et de la rétrocession ont également été touché, avec des ajustements brutaux de prix prévus pour 2024.  

Cette instabilité a eu un impact sur l’assurabilité, avec des augmentations significatives des primes d’assurance dans certaines régions. Cela a créé des zones de protection-gap c’est-à-dire des zones où les périls climatiques ne seront pas assurés. Les modèles de prévision ont manqué de fiabilité. Des solutions telles que la titrisation et l’assurance paramétrique pourraient permettre de réduire le gap de protection. 

Durant l’été, la volonté publique d’accompagner les entreprises dans leur transition bas carbone et d’adapter le système assurantiel français s’est confirmée avec le lancement de deux initiatives.

Risques de durabilité : vers un indicateur de transition bas carbone 

Lors de son premier exercice de résistance climatique, l’ACPR affichait déjà une volonté de favoriser les investissements plus durables à travers les chocs appliqués par secteur d’activités aux différents actifs financiers. Cette volonté se confirme avec le second exercice lancé en juillet 2023 où les secteurs comme l‘énergie se révèlent toujours significativement impactés.  

En parallèle de cet exercice, le Comité de Financement de la Transition écologique a confié à la Banque de France la définition d’un mécanisme national d’indicateur climat des entreprises. Ce mécanisme permettra d’affiner la discrimination des entreprises au-delà de leur unique critère d’activité.  

Cet indicateur repose sur la méthodologie ACT (Assessing low-Carbon Transition) qui confronte la capacité de transition d’une entreprise donnée par rapport à son secteur d’activité. Cette évaluation repose notamment sur l’analyse de sa stratégie climat, de son modèle économique, de sa politique d’investissement et de sa gestion de ses propres émissions de gaz à effet de serre. La trajectoire de référence étant celle d’un réchauffement limité à 1,5 °C.

Une note de transition bas carbone sur 20 

L’indicateur se formalise par une note synthétique sur 20, issue de la pondération de différentes critères qualitatifs et quantitatifs spécifiques à chaque secteur. Cette note peut être convertie en lettre à l’image d’un rating financier. Bien qu’encore en phase de validation sur 500 entreprises tests, ce rating révèle l’importance qui sera accordée à l’engagement des entreprises ainsi qu’à la transparence dans leurs reportings extra-financiers.  

A titre d’illustration sur le secteur de la production d’électricité, la méthodologie avait été appliquée en 2021 sur les 50 compagnies les plus influentes en termes de production d’énergie. Cette application a révélé un bilan mitigé à l’époque. Ainsi 47 des 50 compagnies n’étaient pas alignées à la performance bas-carbone souhaitée. Et l’étude estimait que 70% des compagnies verront la performance empirer sur le court terme.

Favoriser une diversification infra-sectorielle des portefeuilles pour des investissements plus durables 

Ces résultats ne sont pas surprenants pour un secteur largement dépendant aux énergies fossiles. Ce qu’il est intéressant de noter ici, ce sont les différences de rating entre ces compagnies. Le rating permet alors d’assurer une diversification infra-sectorielle dans un portefeuille d’actifs. Là où une cessation d’investissement brutale dans certains secteurs dit « bruns » serait peu réaliste. 

Pour une transition efficace, ce rating harmonisé et encadré pourrait à terme dans un futur exercice de résistance climatique. Chaque catégorie d’actif serait discriminée par secteur d’activité, comme cela est le cas aujourd’hui, mais aussi sur la base d’un rating de performance individuel.

Risques de durabilité : la maîtrise du protection-gap

Courant mai 2023, une mission interministérielle a été chargée d’élaborer un état des lieux et des recommandations sur l’évolution du système assurantiel français face au changement climatique avec un champ d’action relativement large puisque seront concernés les assureurs, réassureurs, les organismes de recherche ainsi que les élus et représentants de la société civile. Elle devrait livrer ses conclusions pour décembre 2023. 

En attendant ces conclusions, l’exercice de résistance climatique en cours comporte déjà des hypothèses de protection-gap sur la partie dommages aux biens. L’indicateur retenu par l’ACPR à ce stade étant un seuil de résiliation exprimé en ratio par département et par pas de temps :

Seuil de résiliation = Prime de dommages / Valeur assurée totale

  • La prime dommages correspond à celle définie dans l’article L. 125-2 du Code des Assurances.  
  • La valeur assurée totale correspond à la somme des capitaux assurés bâti et contenu du contrat. 

Cet indicateur caractérise le seuil à partir duquel l’assuré propriétaire choisira de résilier le contrat MRH au regard du coût jugé trop élevé de la couverture assurantielle. Pour rappel, l’assurance propriétaire occupant n’est pas obligatoire en France. 

Selon les données de France Assureurs pour 2022, le marché des propriétaires en assurance habitation représente sur les résidences principales environ 7 milliards d’euros de prime émise. Cela correspond à 18 millions de contrats. Et à une prime émise annuelle moyenne de 430 € pour les propriétaires de maisons et de 245€ pour les propriétaires d’appartements. Le taux de couverture actuel est d’environ 97% sur les contrats occupants.