L’objectif de l’Union européenne est de promouvoir un marché basé sur les données financières au service des consommateurs de produits d’assurance. FIDA, prévu pour une première application en 2027, fixe un cadre de partage de cette data entre les institutions financières détentrices de données, les fournisseurs intermédiaires et les utilisateurs de ces données. Tout en s’assurant du consentement explicite des assurés, FIDA doit ainsi favoriser l’innovation et la création de produits d’assurance moins chers et plus adaptés aux besoins des consommateurs.

FIDA peut-il favoriser l’émergence d’une nouvelle concurrence ?

La principale menace était de voir FIDA se transformer en cheval de Troie pour les GAFAM*, qui auraient bénéficié de leurs données, exclues du partage imposé par FIDA, pour créer des modèles plus performants que ceux des assureurs traditionnels. Ce partage des données à sens unique aurait constitué une concurrence déloyale de nature à révolutionner le marché. Cette crainte a été entendue par la Commission européenne. Les GAFAM ne pourront pas accéder aux données partagées via FIDA.

En revanche, les fintechs pourraient profiter de FIDA pour créer des produits innovants, via par exemple des outils de scoring de crédit plus précis et personnalisés qui pourraient permettre d’offrir des évaluations plus adaptées à leurs clients. Néanmoins, ces possibilités, réelles, s’ouvrent également aux assureurs traditionnels, qui bénéficieront toujours de leur expérience pour mieux exploiter ces opportunités. L’amélioration de la transparence et du contrôle des données par les assurés pourrait également améliorer l’image des assureurs traditionnels.

S’ils savent exploiter intelligemment FIDA, il n’est ainsi pas exclu de voir les assureurs traditionnels renforcer leur position.

FIDA : quel impact sur le marché de l’épargne ?

L’accès aux données et leur agrégation par des fournisseurs intermédiaires vont permettre aux assurés de mieux appréhender les garanties, les performances financières et les frais de leurs contrats. La capacité d’un prestataire de services financiers ou d’une institution financière tierce à proposer de nouveaux produits, en complément ou en remplacement des placements déjà souscrits, se trouvera ainsi facilitée. Il serait aussi possible de démarcher plus facilement des prospects pour leur proposer des produits financiers plus attractifs sortant du cadre de l’assurance. Cette évolution pourrait donc entraîner une hausse des rachats chez les assureurs traditionnels, et déclencher une pression à la baisse sur les frais.

Ce risque n’est pas sans rappeler la loi Hamon, qui a certes augmenté les taux de résiliation en assurance de biens, mais sans pour autant mettre à terre le modèle économique des assureurs. En pratique, seuls les assurés sollicitant régulièrement des assureurs concurrents pourraient bénéficier des opportunités liées à FIDA, et ils devraient rester très minoritaires au vu des pratiques actuelles.

Les assureurs devront toutefois renforcer leur surveillance des tarifs et rendements de leurs concurrents.

FIDA : vers un risque de démutualisation ?

La principale crainte soulevée par le projet FIDA concerne le risque de démutualisation. L’idée est qu’un nouvel acteur, désireux de n’assurer que les bons profils, pourrait les attirer plus facilement en baissant les prix. Au risque d’exclure de l’assurance les profils qui n’auraient pas les moyens d’assumer la hausse qui en résulterait pour équilibrer le portefeuille. Les assureurs traditionnels devraient alors soit s’aligner, soit voir partir leurs bons profils qui ne pourraient donc plus financer les mauvais résultats des autres assurés.

Pour mettre en place une telle stratégie, le nouvel entrant devrait récupérer des données suffisamment massives pour tarifer à une maille extrêmement fine. Or le principe de mise à disposition des données à la suite d’une demande initiée par l’assuré pourrait être trop contraignante pour y parvenir.

Il faudra attendre le texte définitif pour exclure totalement ce risque. En l’état, il paraît difficilement concevable que FIDA permette à un nouvel entrant de faire mieux que les assureurs installés.

Catastrophes naturelles et open data

Si le secteur de l’assurance fait bien face à un risque de démutualisation, il tient avant tout au changement climatique et à la hausse du coût des catastrophes naturelles. En comparaison, FIDA ne devrait pas peser bien lourd dans la balance. A titre d’exemple, il suffit de regarder le nombre d’assureurs habitations présents en métropole mais qui ont choisi de ne pas assurer les DROM.

De plus, même sans FIDA, la généralisation de l’open data, du numérique, et le développement de modèles plus complexes permettent déjà d’affiner la compréhension des risques, et donc de segmenter davantage. Les fintechs n’ont pas attendu FIDA pour profiter de ces leviers pour tenter de se faire une place (Alan, Stoïk..).

Certes un prospect qui refuserait de communiquer ses données via FIDA pourrait apparaître suspicieux et se voir appliquer un coefficient tarifaire majorant, mais ce risque semble très théorique.

Conclusion

FIDA génère de nombreuses craintes, mais elles semblent largement surévaluées. L’arrivée de nouveaux acteurs désireux de « casser » le modèle de l’assurance semble encore trop semé d’embûches pour être réellement redouté. Nous pourrions toutefois assister à un renforcement de la veille concurrentielle. Ce qui, au fond, serait le gage d’un marché encore plus efficient.

En l’état, si l’indemnisation compensant la mise à disposition des données par les assureurs est suffisante, les assureurs traditionnels pourraient même renforcer leur position. La rédaction du texte définitif pourrait néanmoins nous amener à revoir cette analyse.

L’enjeu crucial est en réalité de ne pas laisser l’innovation aux concurrents traditionnels ou aux fintechs. Un assureur qui répondra présent dans ce domaine saura maintenir sa position malgré FIDA, et peut-être même en tirer parti.

 

* Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft, ces cinq grandes firmes américaines qui dominent le marché du numérique.