L’intelligence artificielle est une révolution, nul ne le conteste. Depuis début 2018, elle s’invite massivement dans la société, dans les entreprises. « L’activité autour de l’intelligence artificielle est en croissance à peu près partout et la performance technologique se perfectionne dans tous les domaines », soulignait le rapport « Artificial Intelligence Index 2018 ». Cependant dans le secteur de l’assurance, tout reste à faire.

« On n’a encore rien vu du potentiel de l’intelligence artificielle » Jacques Richier, PDG d’Allianz France

« On n’a encore rien vu du potentiel de l’intelligence artificielle », affirmait Jacques Richier, le PDG d’Allianz France, début 2018, tout en appelant à ne pas être tétanisé par ses dérives possibles. « Ne laissons pas la peur de l’inconnu nous rendre aveugles aux opportunités majeures ouvertes par l’Intelligence artificielle ».

Si beaucoup d’experts insistent sur le fait qu’il reste à l’intelligence artificielle un long chemin à parcourir, beaucoup s’accordent à dire qu’elle apporte une valeur ajoutée incontestable pour enrichir les services de recommandations de prévention et d’accompagnement des risques dommages et qu’elle permettra, pour certains usages, une réduction significative de la sinistralité.

L’utilisation de l’intelligence artificielle pour la prévention des catastrophes naturelles est un enjeu majeur. L’intelligence artificielle analyse les données de long terme liées à un espace et tente de déterminer s’il n’est pas sujet, par exemple, à des inondations. Dans ce cas, l’intelligence artificielle utilise les données mesurées au sol, les données satellites ou issues de recueils d’histoire, faisant état d’événements importants passés. Certains assureurs de cultivateurs, aux États-Unis, utilisent déjà l’intelligence artificielle pour analyser l’exposition au risque avant la signature des contrats, ainsi que les montants à payer lorsque les agriculteurs font une demande de dédommagement après un sinistre. FarmBeats de Microsoft, par exemple, combine des algorithmes de machine learning, des capteurs et des drones.

Un impact positif sur le taux d’accidentologie

La prédiction des risques automobiles est une autre optimisation proposée par l’intelligence artificielle aux assureurs. Exemple : chaque pièce du moteur d’une voiture peut être examinée en temps réel afin de prévenir une défaillance technique. L’intégration de l’intelligence artificielle dans des voitures dotées de système de reconnaissance visuelle permet aussi d’identifier les risques plus rapidement, surtout en cas de fatigue ou d’alcoolémie du conducteur. Dans le futur, chaque collision pourra être anticipée, l’intelligence artificielle est le prélude d’une sécurité plus fiable sur nos routes.

Cette maîtrise affinée des risques permet en effet de réduire les taux d’accidentologie, et aussi d’amoindrir nettement les coûts d’indemnisation. L’intelligence artificielle peut être aussi utilisée comme le fait Allianz, qui a lancé un projet ayant pour but de déterminer le montant des dommages autos causés à partir des photographies prises sur le site des accidents de voiture.

La maison intelligente pour réduire les accidents domestiques

L’Intelligence artificielle permettra également de prévenir les accidents domestiques (plus de 20 000 décès par an en France). La maison intelligente, reliée à une intelligence artificielle grâce à des capteurs « intelligents » peut détecter un danger imminent, comme un départ d’incendie domestique ou la dégradation d’un appareil pouvant déclencher un risque pour l’habitation. Outre la vie domestique, l’intelligence artificielle agit partout. Elle peut aussi être mise à contribution pour la protection des travailleurs sur les chantiers et dans les entrepôts, et pour les entreprises qui veulent prévenir les risques cyber.

« En adoptant des applications basées sur l’intelligence artificielle, nous améliorons nos capacités de modélisation des risques», Corinne Vitrac, Directrice générale d’AXA Matrix

Des capacités renforcées de modélisation des risques

Incontestablement l’intelligence artificielle va enrichir les services de prévention des risques dommages. Corinne Vitrac, Directrice générale d’AXA Matrix, unité opérationnelle dédiée à la prévention, filiale d’AXA Corporate Solutions estimait récemment qu’ « à l’avenir, la valeur ajoutée résidera notamment dans notre capacité à collecter et modéliser une grande quantité d’informations sur les risques, qualitatives et quantitatives, provenant de sources internes et externes. Cela nous permettra de mieux analyser les risques de nos clients et de leur faire des recommandations de prévention encore mieux adaptées à leurs besoins. En adoptant des applications basées sur l’intelligence artificielle, nous améliorons nos capacités de modélisation des risques ».

« Il y a des limites éthiques. Ces données, à la MAIF, nous les restituons aux assurés dans une logique de prévention et de pédagogie, pas dans un but de surveillance ou de sanction ». Pascal Demurger, vice-président de la FFA et Directeur général du groupe MAIF.

L’intelligence artificielle se trouve donc au cœur d’une nouvelle phase de restructuration du secteur de l’assurance. Une très large majorité des assureurs se disent prêts à investir dans cette technologie au cours des cinq prochaines années. Cependant, au-delà de la technologie, l’enjeu semble être aujourd’hui le renforcement de l’intelligence artificielle « de confiance » : celle qui respecte les principes éthiques et qui garantit un niveau de robustesse et de fiabilité technologiques. Pascal Demurger, vice-président de la Fédération Française de l’assurance et Directeur général du groupe MAIF, qui stocke 20.000 milliards de données numériques*, insiste souvent sur les enjeux éthiques liés à l’utilisation des données par l’intelligence artificielle et prend position. « Il y a des limites éthiques, souligne-t-il. Ces données, à la MAIF, nous les restituons aux assurés dans une logique de prévention et de pédagogie, pas dans un but de surveillance ou de sanction ».

L’intelligence artificielle « de confiance » est une nécessité pour gagner la confiance du public et des entreprises. Les Echos rapporte d’ailleurs que « 52 experts en intelligence artificielle réunis par Bruxelles ont publié mardi 15 janvier une première version de leurs travaux sur l’éthique. Le document va à présent faire l’objet d’une consultation publique. » « L’idée n’est pas de créer un cadre contraignant pour l’innovation et l’industrie européennes, mais d’aboutir à un développement durable de l’intelligence artificielle, explique la vice-présidente du groupe d’experts, Nozha Boujemaa, directrice de recherche Inria et représentante de la Big Data Value Association. Car si l’IA déçoit ses utilisateurs, il est très probable que son développement décline. »

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*Chiffre évoqué le 02/06/2017